L’émergence du business model dans les normes comptables
La revue de la littérature à laquelle s’est livré l’EFRAG porte essentiellement sur la signification du terme « business model », plutôt que sur son rôle dans l’information financière. Il ressort de cette revue qu’il n’existe pas de définition unanimement admise. Toutefois, toutes les définitions présentent un point commun : une description de la façon dont une entreprise fait des affaires, offre ses produits et services aux clients et gagne de l’argent.
Si l’on souhaite se servir de ce concept dans le cadre de l’information financière, il sera nécessaire de trouver une définition qui fera consensus. Pour y parvenir, peut-être que la définition fournit par la Commission générale de terminologie et de néologie dans un avis publié au JORF du 28 décembre 1996 serait-elle utile : « schéma identifiant et combinant les paramètres qui caractérisent une entreprise du point de vue de l’organisation, du fonctionnement et de la stratégie, afin de mettre au jour les facteurs de sa rentabilité ».
Un rôle possible du business model dans l’information financière ?
C’est la question centrale. Le business model doit-il jouer un rôle, et si oui lequel, dans l’information financière et, partant, dans l’élaboration des normes ?
L’EFRAG se livre à un examen de son utilité possible au regard des caractéristiques qualitatives de l’information financière, telles qu’elles ressortent du cadre conceptuel 2010 de l’IASB (pertinence, représentation fidèle, comparabilité, vérifiabilité, rapidité, compréhensibilité). La question est de savoir si l’information financière basée sur le modèle économique fournit des informations plus pertinentes, donnant une représentation fidèle des phénomènes économiques, comparables et compréhensibles.
Il examine ensuite une question encore plus difficile : comment distinguer clairement le modèle économique (business model) de l’intention des dirigeants (management intent). Cette dernière est volatile et changeante, alors que le business model doit avoir une certaine permanence pour être utilisable dans l’information financière.
Deux thèses s’affrontent : pour les uns, la même transaction devrait être traitée différemment selon le business model de l’entité, tant du point de vue de la comptabilisation que de l’évaluation, car cela améliorerait la pertinence de l’information financière. Pour les autres, la même transaction doit toujours être comptabilisée de la même manière, indépendamment du business model afin de préserver la comparabilité.
Le concept de business model est déjà présent dans les normes IFRS
L’EFRAG a recensé les normes où le concept est explicitement ou implicitement utilisé. IFRS 9 (instruments financiers), qui remplace IAS 39, fait explicitement appel au business model (§ 4.1.1) : « … l’entité doit classer les actifs financiers comme étant, soit au coût amorti, soit à la juste valeur, en fonction à la fois : (a) du modèle économique que suit l’entité pour la gestion de ses actifs financiers ; (b) des caractéristiques des flux contractuels de l’actif financier ».
D’autres normes, antérieures et parfois très anciennes, sans se référer explicitement au business model, en font déjà usage, notamment : IAS 39 (instruments financiers), IAS 8 (secteurs opérationnels), IAS 2 (stocks), IAS 17 (contrats de location) et IAS 40 (immeubles de placement).
Enfin, l’EFRAG mentionne d’autres normes où le business model n’a pas été pris en compte et qui auraient pu, à son avis, en bénéficier. Dans IAS 41 (agriculture) par exemple, la question des actifs biologiques producteurs aurait été mieux traitée, alors qu’il a fallu attendre des années pour rectifier le tir. Il en va de même pour le projet de norme toujours en cours sur les contrats d’assurance.
Les composantes d’un business model
Si l’on veut que le concept soit pleinement opérationnel, il faudra approfondir les éléments susceptibles de distinguer un business model d’un autre. Certaines composantes sont assez évidentes : activité de l’entreprise, génération des flux de trésorerie et création de valeur, configuration des actifs, clients, produits et services. D’autres composantes sont envisageables et l’EFRAG sollicite le public pour alimenter sa réflexion sur la base d’exemples concrets.
Place du business model dans la normalisation comptable
Le cadre conceptuel en cours de révision devra se prononcer sur la pertinence, ou non, du business model pour les normes comptables. Si l’on estime que le concept n’est pas pertinent, il faudra justifier cette exclusion au regard des caractéristiques qualitatives de l’information financière. Il est plus probable que le concept devra être retenu, dans certaines limites, et le cadre conceptuel devra se prononcer sur la façon dont le normalisateur pourra ou devra l’utiliser dans l’élaboration des normes elles-mêmes.
Quelques principes semblent se dégager : un business model devra être observable, non limité à une entité, utilisé pour toutes les composantes d’une norme (comptabilisation, évaluation initiale et ultérieure, présentation, informations à fournir). Il n’est pas évident, cependant, que le concept soit opérationnel : il pourrait déraper vers une diversité ingérable et se révéler contreproductif et coûteux.
Le débat ne fait donc que commencer.
Références :
Pour consulter notre article sur le document de recherche de l’EFRAG, cliquez ici
Pour télécharger le bulletin de l’EFRAG de juin 2013, cliquez ici
Pour consulter notre article sur la révision du Cadre conceptuel par l’IASB, cliquez ici