L’essentiel d’IFRS 15
Principe de base
La comptabilisation des produits provenant de contrats avec les clients doit traduire le transfert à un client du contrôle d’un bien ou d’un service, qui lui a été promis par l'entité par contrat, pour le montant auquel le vendeur s’attend à avoir droit.
Champ d’application
IFRS 15 porte sur les produits et les clients qui résultent uniquement des « activités ordinaires » de l'entité (inchangé par rapport à IAS 18 « Produits des activités ordinaires »).
La nouvelle norme remplace essentiellement :
- les normes IAS 11 « Contrats de construction » et IAS 18 « Produits des activités ordinaires »,
- les interprétations IFRIC 13 « Programmes de fidélisation de la clientèle », IFRIC 15 « Accords de construction de biens immobiliers », IFRIC 18 « Transferts d’actifs provenant de clients » et SIC 31 « Produits des activités ordinaires – Opérations de troc portant sur des services de publicité ».
Sont exclus d'IFRS 15 certains contrats avec les clients, qui relèvent de normes spécifiques :
- les contrats de location (IAS 17),
- les contrats d'assurance (IFRS 4),
- les instruments financiers (IFRS 9 ou IAS 39),
- les échanges non monétaires entre des entités d’un même secteur d’activité, réalisés pour faciliter les ventes auprès de clients ou de clients potentiels.
Un contrat avec un client peut donc relever partiellement d'IFRS 15 et partiellement d'une autre norme, par exemple d’IAS 17 « Contrats de location » lorsqu’un contrat de location s'accompagne d'une part significative de services.
Les 5 étapes pour comptabiliser un produit
Les 5 étapes sont :
1. Identifier le(les) contrat(s) avec le client,
2. Identifier les différentes obligations de performance distinctes du contrat,
3. Déterminer le prix de la transaction,
4. Allouer le prix de la transaction aux différentes obligations de performance,
5. Comptabiliser les produits lorsque les obligations de performance sont satisfaites.
1. Identification du(des) contrat(s) avec le client
(i) Pour être pris en compte, le contrat (écrit, oral, tacite ou coutumier) doit avoir été approuvé, engageant les parties à satisfaire à leurs obligations respectives.
(ii) L'entité identifiera les obligations de chaque partie, eu égard aux biens et services à transférer.
(iii) L'entité identifiera les conditions de paiement des biens et services.
(iv) Le contrat devra avoir une substance commerciale, ce qui signifie que le montant des cash flows aura changé à l'issue du contrat.
(v) Le recouvrement du prix doit être probable. L'entité ne tiendra compte que de la volonté et de la capacité du client à effectuer le paiement dû à l'échéance.
Plusieurs contrats peuvent être combinés en un seul s'ils sont conclus simultanément avec le même objectif commercial, ou si le prix d'un contrat est lié au prix ou à la performance d’un autre contrat, ou si les biens et services promis constituent une obligation de performance unique.
Une modification de contrat est un changement de périmètre et/ou de prix approuvé par les parties. Une modification peut exister même si les parties ne sont pas d'accord sur tout. Par exemple, elles peuvent être d'accord sur un changement de périmètre, mais n'ont pas encore déterminé la modification correspondante du prix. L'entité devra alors estimer la part variable.
Les modifications seront comptabilisées comme un contrat séparé, si les deux conditions suivantes sont simultanément remplies : (i) le périmètre est augmenté suite à l’ajout de biens ou de services distincts et (ii) le prix du contrat est accru d'un montant qui reflète les prix de vente « indépendants » des biens et services promis additionnels.
2. Identification des différentes obligations de performance distinctes du contrat
Dès l'origine du contrat, l'entité déterminera les biens et services promis au client et identifiera comme une obligation de performance chaque promesse de transfert qui est (i) soit un bien ou un service (ou un ensemble de biens ou de services) distinct, (ii) soit une série de biens ou services distincts qui sont en substance les mêmes et ont le même mode de transfert au client.
Biens ou services distincts
Un bien ou un service promis à un client est distinct, si deux critères sont remplis : (i) le client peut profiter du bien ou du service séparément ou avec d'autres ressources disponibles par ailleurs et (ii) la promesse est identifiable séparément des autres promesses du contrat.
Promesses contenues dans les contrats avec les clients
Les promesses ne se limitent pas nécessairement à ce qui est explicite dans les contrats. Les politiques publiées par l'entité peuvent avoir créé chez le client une attente légitime qu'il recevra un bien ou service non explicité.
Les activités qu'une entité doit entreprendre pour satisfaire à un contrat ne sont des obligations de performance que si ces activités transfèrent un bien ou un service au client. Par exemple, les tâches administratives de préparation d'un contrat ne rendent aucun service au client et ne constituent pas une obligation de performance.
3. Détermination du prix de la transaction
L’entité doit prendre en compte les conditions du contrat et les pratiques commerciales habituelles afin de déterminer le prix de la transaction. Ce prix peut comporter des montants fixes et/ou variables (par exemple, ventes avec clauses de retour, bonus/pénalités, success fees, rabais).
La partie variable ne sera comptabilisée que s’il est hautement probable que les produits ne seront pas annulés ultérieurement du fait de ré-estimations. On pourra utiliser une méthode d'espérance mathématique ou le montant le plus vraisemblable, en respectant le principe de permanence.
Si le contrat comprend une composante financière significative, le montant sera ajusté, en tenant compte des effets de la valeur temps de l'argent, que celle-ci soit explicite ou implicite. Si le paiement intervient moins de 12 mois après le transfert des biens ou services promis, cet ajustement ne sera pas effectué.
Si le paiement ne s’effectue pas en contrepartie de la trésorerie, l'entité évaluera ce paiement à la juste valeur.
4. Allocation du prix de la transaction aux différentes obligations de performance
Pour attribuer une partie du prix de la transaction aux différentes obligations de performance qui constituent le contrat avec le client, l'entité fondera sa répartition de manière proportionnelle sur la base du prix de vente spécifique de chacun des biens/services distincts (« stand-alone prices ») et non pas dans le cadre d'un contrat global.
Un éventuel rabais ou ristourne sera alloué sur la même base, sauf s'il est clair qu'il ne concerne que certaines des obligations de performance et pas les autres.
5. Comptabilisation des produits lorsque les obligations de performance sont satisfaites
Le produit est comptabilisé lorsque (ou au fur et à mesure que) l'entité satisfait à l'obligation de performance en transférant au client ce qu'elle lui a promis. Dès l'origine du contrat, l'entité devra déterminer si elle satisfait l'obligation au fur et à mesure ou à un instant t. Un actif est transféré lorsque le client en obtient le contrôle. Les biens et services reçus sont des actifs, même si ce n'est que de façon momentanée.
Satisfaction des obligations de performance au fur et à mesure
Quand l’entité transfère le contrôle du bien ou du service au client progressivement au cours du temps, elle comptabilise le produit progressivement, si l'une des trois conditions suivantes est remplie : (i) le client reçoit et consomme simultanément les avantages fournis progressivement par l'entité ; (2) la performance de l'entité crée ou améliore un actif que le client contrôle au fur et à mesure de l’avancement de la prestation ; ou (iii) la performance de l'entité crée un actif qui n’a aucune autre utilité pour elle et pour lequel elle a le droit d’être rémunérée.
Satisfaction des obligations de performance à un instant t (« at a point in time »)
Si l'obligation de performance n'est pas satisfaite au fur et à mesure comme indiqué ci-dessus, elle l'est à un instant t. L'entité devra alors déterminer quand le contrôle est transféré, en se fondant sur des indicateurs classiques de transfert de contrôle dont des exemples, non exhaustifs, sont fournis dans la norme : droit au paiement, propriété juridique, possession physique, risques et avantages liés à la propriété de l’actif, acceptation de l'actif par le client...
Comment mesurer la progression vers la satisfaction totale de l'obligation de performance ?
Pour mesurer ce progrès, deux types de méthodes existent, déjà présentes dans IAS 11 « Contrats de construction » : celles basées sur les extrants (ce que l'entité a produit) dites « output methods » et celles basées sur les intrants (les coûts encourus par l'entité) dites « input methods ». La norme donne des indications permettant de savoir quand l'une ou l'autre est la plus appropriée. Si le progrès ne peut pas être mesuré de façon fiable, par exemple au début d'un contrat, on limitera le produit aux coûts encourus.
Coûts liés aux contrats
Coûts d’obtention d’un contrat
Les coûts marginaux (« incremental costs »), c'est-à-dire spécifiquement engagés pour obtenir un contrat (par exemple des commissions) et qui n’auraient pas été encourus en l’absence de contrat, ne seront reconnus comme des actifs que si l'entité s'attend à recouvrer ces coûts. Par simplification, ces coûts peuvent être comptabilisés en charge, si la durée d’amortissement de l’actif que l’entité aurait reconnu est inférieure ou égale à 12 mois.
Coûts d’exécution d’un contrat
Les coûts encourus pour satisfaire aux obligations du contrat sont souvent comptabilisés en temps qu'actifs en application d'autres normes : IAS 2 « Stocks », IAS 16 « Immobilisations corporelles » et IAS 38 « Immobilisations incorporelles ». Si ces coûts ne sont pas déjà traités par d’autres normes, ils ne pourront être activés que si les conditions suivantes sont cumulativement remplies : (i) les coûts sont directement liés à l’exécution du contrat ; (ii) ils créent ou améliorent des ressources de l'entité qui seront utilisées pour satisfaire les obligations de performance à venir et (iii) l'entité s'attend à recouvrer ces coûts.
Ces coûts peuvent, dans certains cas, avoir été engagés avant la signature du contrat.
Informations à fournir en annexe
Les informations à fournir doivent permettre aux utilisateurs de comprendre la nature, le montant, l'échéance et l'incertitude liés aux produits et aux flux de trésorerie provenant des contrats avec les clients, notamment :
- La ventilation des produits selon les catégories appropriées,
- Les soldes liés au contrat (soldes d’ouverture et de clôture des créances, actifs et passifs liés au contrat) accompagnés d’explications,
- Les obligations de performance subsistant à la clôture (date à laquelle l’obligation de performance sera satisfaite et montant du prix de la transaction alloué aux obligations de performance restantes),
- Les jugements significatifs auxquels l’entité a eu recours lors de l’application de la norme et les modifications significatives subséquentes,
- Les actifs reconnus au titre des coûts d'obtention ou des coûts d’exécution d'un contrat.
Conclusions
En prévoyant que cette norme ne s'appliquera pas avant 2017, l'IASB a tenu compte des modifications des systèmes qu'elle implique pour certains secteurs et a d’ailleurs déjà mis en place un groupe de concertation pour évaluer les difficultés de mise en œuvre. En outre, la norme est accompagnée de nombreux exemples constituant une « guidance ».
Même si la norme n'entraînera aucune modification dans le traitement comptable actuel pour la très grande majorité des transactions simples, le travail d'analyse pour arriver à produire ce chiffre-clé, le chiffre d'affaires, si important pour l'information et la communication financières, sera indiscutablement complexifié dans certains cas.
Cependant, la norme a un effet unificateur et les acquis d'IAS 11 « Contrats de construction » sont préservés et intégrés dans l'ensemble. Les US GAAP et les IFRS ont convergé sur un point qui n'est pas mineur. La complexité apparente de la norme s'avérera sans aucun doute bénéfique sur le plan de la qualité et de la comparabilité de l'information.