Les recommandations de l’ESMA et de l’AMF pour la clôture des comptes 2015.
Parallèlement aux priorités identifiées par l’ESMA conjointement avec l’ensemble des régulateurs nationaux européens, le régulateur français - l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) - a publié ses propres recommandations pour 2015, venant compléter celles de l’ESMA principalement sur un point : les opérations d’optimisation du besoin en fonds de roulement, qui ont pris de l’importance suite à la crise financière de 2008 et les tensions générées en terme de liquidités. Les analystes financiers accordent un grand intérêt à ces opérations mais indiquent manquer d’informations.
En préambule, l'AMF insiste sur l’importance d’une information pertinente, cohérente et lisible, en rappelant la publication de son guide sur la pertinence, la cohérence et la lisibilité des états financiers (pour consulter notre article sur le guide de l’AMF ).
1. Impacts des conditions de marché dans les états financiers (thèmes développés à la fois par l’ESMA et l’AMF)
Les conditions de marché ont fluctué de manière importante au cours de l’année écoulée : certains taux d’intérêt ou prix des matières premières ont fortement diminué et continuent d’être très volatiles. D’autre part, la dégradation des conditions macroéconomiques de certains pays les ont conduits à prendre des mesures limitant les mouvements de capitaux.
Dans ce contexte, les régulateurs rappellent que, lorsqu’une entité est exposée de manière significative à des sous-jacents économiques volatiles (matières premières, change) ou à des pays soumis à des incertitudes diverses, elle doit fournir des informations sur ses expositions et les risques associés avec un niveau de détail adapté à l’exposition aux risques. Pour en faciliter la lecture et la compréhension, ils recommandent que l’ensemble des informations fournies sur ce sujet soit regroupé au sein d’une même note des états financiers ou que des références croisées aux notes annexes soient effectuées au sein des états financiers.
Les régulateurs rappellent en outre que les émetteurs doivent présenter en annexe les jugements et hypothèses effectués par la direction, à chaque fois que ces jugements et hypothèses ont des impacts significatifs sur les états financiers. Les émetteurs devront indiquer également toutes autres sources majeures d’incertitude, qui pourraient conduire au cours de l’exercice suivant à des ajustements significatifs des actifs et des passifs comptabilisés.
a) L’environnement des taux d’intérêt
L’ESMA et l’AMF rappellent que l’environnement actuel des taux d’intérêt en Europe (taux bas voire négatifs et volatiles) doit être pris en compte dans la détermination (i) de la juste valeur des actifs et des passifs financiers ou non financiers (ii) de la valeur recouvrable utilisée dans les tests de dépréciation du goodwill ou encore (iii) du taux d’actualisation des provisions pour engagements de retraite et des provisions long terme.
En outre, les IFRS requièrent de communiquer les hypothèses clés, y incluant le taux d’actualisation utilisé, ainsi qu’une analyse de sensibilité à celles-ci. Cette analyse de sensibilité devra tenir compte du contexte particulier de la clôture pour présenter une variation possible du taux d’actualisation qui soit en adéquation avec la variation historique observée.
b) L’exposition des matières premières à une forte volatilité et à des prix bas (gaz, pétrole, minerai de fer, etc)
Dans un contexte de prix bas des matières premières, les régulateurs et analystes sont en attente d’informations précises sur les impacts dans les états financiers des sociétés concernées (par exemple, sur les agrégats clés des états primaires). Une information sur les impacts comptables résultant des décisions opérationnelles liées au contexte (par exemple, arrêt ou report de projets) est également souhaitée.
Lorsque le prix d’une matière première constitue une hypothèse clé dans l’évaluation de certains actifs (stocks, tests de dépréciation d’incorporels ou de corporels, actifs acquis dans le cadre d’un regroupement d’entreprises), les régulateurs demandent que soient présentées la valeur de clôture retenue, l’évolution du cours retenu dans le plan d’affaires et une analyse de sensibilité à une variation du cours.
c) Le risque de change et le risque pays
Un certain nombre de pays est actuellement soumis à des incertitudes diverses : difficultés financières (la Grèce par exemple), risques politiques forts (Syrie, Ukraine, …), risques sur le change (Venezuela) avec dans certains cas des limitations aux échanges (Russie). Certaines sociétés françaises peuvent avoir des expositions significatives dans ces pays du fait de filiales, d’activités, d’échanges commerciaux ou d’expositions aux marchés financiers.
Ces risques sont à prendre en compte dans la détermination des hypothèses utilisées pour la valorisation des actifs ou passifs (tests de dépréciation, provisions, passifs éventuels, …). En outre, IFRS 7 requiert la présentation d’informations, notamment sur le risque de crédit et le risque de liquidité.
En cas d’exposition significative dans un pays soumis à de graves difficultés économiques ou politiques, les régulateurs recommandent de présenter la nature des expositions comptables (par exemple, actifs corporels, incorporels et financiers, stocks ou trésorerie) et les impacts sur les comptes des décisions opérationnelles prises au regard de la situation, ainsi qu’une description des incertitudes résiduelles.
En cas d’exposition significative dans un pays avec plusieurs taux de change, les sociétés sont invitées à présenter leurs expositions, le taux de change utilisé, l’analyse effectuée pour déterminer le taux utilisé et, le cas échéant, une sensibilité au choix d’un autre taux.
Enfin, les restrictions sur les actifs et les passifs doivent être mentionnées dès lors qu’elles sont significatives (indication des soldes de trésorerie ou d’équivalents de trésorerie non disponibles pour le groupe).
2. Tableau des flux de trésorerie et informations correspondantes (thème développé par l’ESMA uniquement car déjà développé par l’AMF lors des clôtures 2012 et 2014)
L’état des flux de trésorerie constitue un élément essentiel à la compréhension de la performance d’un émetteur et permet aux utilisateurs d’évaluer sa capacité à générer de la trésorerie ainsi que sa capacité d’endettement. Mais en dépit de son importance, les régulateurs se heurtent régulièrement à une mauvaise application des dispositions IFRS en la matière.
L’ESMA rappelle en conséquence quelques consignes de présentation :
(i) Vérifier la cohérence de la classification des éléments entre le tableau des flux de trésorerie et les autres états financiers,
(ii) Veiller au classement des flux et à sa permanence dans le temps - distinction des flux d’exploitation, d’investissement et de financement, et fournir des informations sur les jugements significatifs exercés le cas échéant,
(iii) Fournir des explications sur les variations significatives du BFR, notamment en cas de mise en place d’un affacturage inversé,
(iv) Evaluer de manière attentive dans quelle mesure les instruments financiers constituent des équivalents de trésorerie et indiquer au niveau des principes et méthodes comptables ce que l’entité considère comme tels,
(v) Exclure les transactions sans effet sur les flux de trésorerie mais les présenter dans une note séparée,
(vi) Présenter les flux de trésorerie significatifs de manière individuelle et non sur une base nette.
3. Evaluation à la juste valeur et notes annexes (thème développé par l’ESMA uniquement)
L’ESMA estime que les évaluations et les informations fournies concernant la juste valeur des actifs et passifs non financiers sont perfectibles et invite les émetteurs à utiliser la guidance contenue dans la norme IFRS 13. L’ESMA et les régulateurs y seront très vigilants, notamment dans le cadre de la norme IFRS 3 Regroupements d’entreprises, IAS 40 Immeuble de placement et IFRS 5 Actifs non courants détenus en vue de la vente et activités abandonnées.
L’ESMA rappelle l’importance de maximiser l’utilisation de données observables, et notamment d’utiliser les cours cotés sans retraitement en cas de marché actif. Elle appelle également les sociétés à fournir des informations détaillées sur la méthodologie et les hypothèses utilisées pour déterminer la juste valeur, notamment en cas de juste valeur de niveau 2 ou 3.
4. Nouvelles normes publiées et non encore applicables (IFRS 9 et IFRS 15) (thèmes développés à la fois par l’ESMA et l’AMF)
En cas de nouvelle norme publiée mais non encore entrée en vigueur, la norme IAS 8 (§ 30 et 31) requiert de fournir une description des impacts prévus lors de la première application de la norme si ceux-ci sont connus ou peuvent être raisonnablement estimés.
Les normes IFRS 15 « Produits des activités ordinaires tirés des contrats avec les clients » et IFRS 9 « Instruments financiers » ont été publiées respectivement en mai et juillet 2014 avec une date d’application au 1er janvier 2018. Si celles-ci n’ont pas encore été adoptées par l’Union Européenne, les sociétés sont néanmoins encouragées à commencer les travaux d’identification des problématiques de mise en œuvre de ces normes, compte tenu de leur complexité potentielle et afin de garantir la qualité de l’information financière qui sera produite.
Ainsi, les régulateurs invitent les émetteurs à présenter, dans leurs états financiers 2015, l’état d’avancement de leurs travaux de mise en œuvre et, si cela est disponible, une information qualitative sur les principes comptables qui seront potentiellement modifiés du fait de l’application d’IFRS 15 et d’IFRS 9. Les sociétés ayant prévu une application par anticipation sont invitées à le préciser également.
Il convient de noter que la mise en œuvre des nouvelles normes IFRS 15 et IFRS 9 va nécessiter d’expliquer l’origine des principaux écarts par comparaison avec les pratiques actuelles. Pour ce faire, les sociétés auront, potentiellement, besoin de préciser dans un niveau de détail plus important la façon dont le chiffre d’affaires ou les instruments financiers sont actuellement comptabilisés.
Les entreprises sont invitées, dès la clôture 2015, à améliorer la présentation des principes comptables sur la reconnaissance du chiffre d’affaires (transfert des risques et avantages, méthode de détermination de l’avancement, …), point d’attention qui a été relevé par l’AMF lors de la publication de son guide sur la pertinence, la cohérence et la lisibilité des états financiers.
5. Opérations de gestion du besoin en fonds de roulement (thème développé spécifiquement par l’AMF)
a) Opérations sur les postes d’actifs
L’AMF rappelle que tous les risques et avantages liés aux créances qui font l’objet d’une opération de cession doivent être analysés, afin de déterminer s’il est possible ou non de décomptabiliser ces créances.
En cas d’opérations décomptabilisantes significatives, l’AMF recommande d’en préciser les principales caractéristiques et les éléments clés et jugements significatifs pris en compte dans la détermination du traitement comptable retenu.
Lorsque les effets des opérations de transfert d’actifs financiers sont matériels, une information sur ces effets est également demandée, que ces opérations aient donné lieu à la décompatbilisation des créances ou non.
b) Opérations sur les postes de passifs
Les opérations d’affacturage inversé ont pris de l’importance dans le financement des entreprises et constituent des solutions alternatives ou complémentaires au financement bancaire ou à l’appel aux marchés. Les textes comptables relatifs à la comptabilisation et la présentation de ces opérations dans les états financiers n’étant pas très explicites, l’AMF a souhaité, à travers ses recommandations, sensibiliser les sociétés.
L’AMF recommande une analyse détaillée des opérations d’affacturage inversé afin de déterminer leur présentation dans les états financiers. Cette analyse prendra en considération les éléments des contrats ainsi que les faits et circonstances spécifiques aux transactions. Pour ce faire, il est important de s’interroger sur la substance des opérations. Une information relative aux effets financiers de ces transactions dans les comptes est également recommandée afin d’améliorer la compréhension de la situation financière et la situation de liquidité de l’émetteur par les utilisateurs des états financiers.
La vigilance à accorder sur le traitement comptable et les informations à fournir concernant l’affacturage inversé est également développée par l’ESMA dans le cadre de sa recommandation sur le tableau des flux de trésorerie.
c) Opérations de gestion centralisée de la trésorerie
Compte tenu de la diversité des contrats de gestion centralisée de trésorerie et de leurs modalités opérationnelles, il est recommandé d’effectuer une analyse approfondie de l’ensemble des critères de compensation d’IAS 32, et notamment de la question de l’intention, afin de déterminer si les positions créditrices et débitrices de trésorerie, vis-à-vis d’une même contrepartie bancaire, sont à présenter sur une base nette ou brute. L’AMF recommande, en cas de montants significatifs et d’analyse ayant nécessité l’exercice du jugement, de détailler en annexe les caractéristiques de l’opération, l’analyse effectuée et ses effets dans les comptes.
Pour télécharger la recommandation de l’AMF pour la clôture 2015
Pour télécharger les priorités de l’ESMA pour la clôture 2015