2020 : le rapport financier annuel électronique et harmonisé au niveau européen
Le cadre législatif
La Directive Transparence (2004/109/CE), modifiée par la Directive 2013/50/UE du 22 octobre 2013, impose aux sociétés cotées sur un marché réglementé qu’elles établissent, à compter de 2020, leurs rapports financiers annuels selon un format homogénéisé au niveau européen, le format d’information électronique unique dit ESEF (European Single Electronic Format ).
La Directive Transparence a confié à l’ESMA (European Securities and Markets Authority ) la tâche d’élaborer un projet de normes techniques de réglementation (dit RTS - Regulatory Technical Standards ) précisant le format à utiliser. Le projet devait initialement être soumis à la Commission européenne au plus tard le 31 décembre 2016 mais a dû être repoussé suite aux restrictions budgétaires qui ont affecté l’ESMA.
En application de la Directive, il était demandé à l’ESMA de se référer aux options technologiques actuelles et futures, d’évaluer les différents formats électroniques possibles et de réaliser des tests sur le terrain. Par ailleurs, l’article 10 du règlement (UE) n°1095/2010 instituant l’ESMA requiert que celle-ci procède à des consultations publiques sur les projets de normes techniques et à des analyses du rapport coûts / avantages lorsque cela est pertinent.
Le processus de consultation de l’ESMA
Le 25 septembre 2015, l’ESMA a publié un document de consultation intitulé « Draft Regulatory Technical Standards on the European Single Electronic Format (ESEF) ». L’ESMA a analysé les 161 réponses recueillies et les a synthétisées dans un document (feedback statement ) publié le 21 décembre 2016, y incluant la consultation du SMSG et l’analyse du coût.
L’ESMA a consulté le groupe des parties intéressées au secteur financier (SMSG – Securities Markets Stakeholder Group ), établi en application de l’article 37 du règlement (UE) n°1095/2010 instituant l’ESMA. Il s’agit d’un organe consultatif important de l’ESMA, composé de 30 personnes provenant de 17 Etats membres et représentant des universitaires, des consommateurs, des employés d’institutions financières, des acteurs des marchés financiers, des PME et des utilisateurs d’états financiers.
L’ESMA a procédé à deux analyses des coûts et avantages. La première a été publiée en même temps que le document de consultation en 2015. Cette analyse se fondait sur une enquête réalisée auprès des émetteurs européens, laquelle avait obtenu un faible taux de réponse et dont les résultats semblaient en contradiction avec les informations provenant d’autres sources. L’ESMA a donc décidé de procéder à une deuxième analyse en 2016, basée sur une enquête ciblant spécifiquement les entreprises ayant déjà établi des états financiers en format XBRL ou Inline XBRL ainsi que sur une enquête menée auprès des fournisseurs de logiciels. Selon l’analyse de 2016, la mise en place de l’ESEF entraînerait :
- pour l’ESMA et les mécanismes officiellement désignés, un coût initial d’environ 42 millions d’euros puis des coûts récurrents de l’ordre de 3,4 millions d’euros par an ;
- pour l’ensemble des émetteurs pris globalement, des coûts compris entre 43 millions d’euros et 69 millions d’euros pour la première année de dépôt des états financiers puis des coûts récurrents de l’ordre de 13 millions d’euros à 24 millions d’euros par an.
Enfin, l’ESMA a réalisé des tests sur le terrain auprès de 25 émetteurs volontaires pour convertir leurs états financiers consolidés IFRS en format Inline XBRL. Pour ce faire, l’ESMA a organisé six ateliers sur site, d’une durée de 1,5 jour chacun, au cours desquels des experts XBRL ont été mis à disposition. Les participants ont été très satisfaits de ces tests et ont jugé le niveau de complexité et d’effort de faible à modéré. Les résultats de ces tests figurent dans le rapport final de l’ESMA.
Le 18 décembre 2017, l’ESMA a publié la version finale de la norme technique de réglementation (Final Report on the RTS on the European Single Electronic Format ). Le RTS a été approuvé par la Commission européenne le 18 décembre 2018. Le Conseil européen et le Parlement européen disposent de trois mois pour s’opposer à l’adoption de ce RTS.
Après publication au Journal officiel de l’Union européenne, le texte sera applicable dans tous les Etats membres sans nécessiter de transposition dans le droit national.
Le format d’information électronique européen unique
Les émetteurs devront établir leurs rapports financiers annuels au format xHTML (eXtensible HyperText Markup Language ), lisible par l’homme à partir de tout navigateur web. Il s’agit d’un langage non propriétaire et librement utilisable, qui peut être lu sans logiciel spécialisé.
S’agissant des états financiers consolidés établis selon les normes IFRS et inclus dans les rapports financiers annuels, la Commission européenne a souhaité renforcer le degré de transparence et de comparabilité des états financiers. A cet effet, les états financiers consolidés devront être « étiquetés », balisés [1] au moyen du langage XBRL (eXtensible Business Reporting Language ). Au niveau des états financiers principaux (état de la situation financière, état du résultat net et des autres éléments du résultat global, état des variations des capitaux propres et état des flux de trésorerie), chaque donnée financière fera l’objet d’un marquage par un signet unique (tag ). En revanche, les notes annexes pourront faire l’objet d’un marquage par bloc.
Ces balises XBRL rendront les informations financières communiquées lisibles par un ordinateur, ce qui facilitera leur accessibilité et l’analyse automatisée d’un grand nombre d’informations. En outre, les informations XBRL peuvent être aisément converties en d’autres formats, tels que SQL ou Excel, évitant ainsi des resaisies manuelles coûteuses.
XBRL est un langage de balisage bien établi et utilisé dans de nombreux pays et territoires, et actuellement le seul qui convienne pour baliser des états financiers. Les balises XBRL devront être intégrées dans le rapport financier annuel au format xHTML selon les spécifications Inline XBRL. L’association du xHTML et du XBRL est appelé iXBRL et permet de combiner les avantages des données balisées avec un format de rapport financier lisible par l’homme.
Le balisage XBRL repose sur une taxonomie qui est un référentiel arborescent utilisé pour classifier les informations financières. La taxonomie retenue pour l’ESEF est une extension de taxonomie IFRS élaborée par la Fondation IFRS. Le cas échéant, les émetteurs auront la possibilité de créer des extensions de taxonomie, à condition de les ancrer à des éléments existants de la taxonomie de base, par exemple si la taxonomie de base ne répond pas à certains besoins d’informations.
La taxonomie de base à utiliser figure en annexe du RTS dans un format simple et lisible par l’homme : il donne une représentation structurée des éléments constituant la taxonomie de base. Dans la pratique, pour améliorer l’accessibilité et la comparabilité des rapports financiers annuels, les fichiers de taxonomie XBRL utilisés par les émetteurs devront être conformes à toutes les exigences et spécifications techniques de l’ESMA. Pour faciliter la mise en œuvre de l’ESEF, l’ESMA a publié, le 21 mars 2019, sur son site internet des fichiers électroniques de taxonomie XBRL dans un format lisible informatiquement et librement téléchargeable, que les émetteurs pourront utiliser comme point de départ pour créer leur propre taxonomie.
[1] Opération qui consiste à étiqueter des données et à leur donner des caractéristiques (devise, unité, année, signe etc) afin d’être interprétées par des ordinateurs.
Une mise en application progressive
Afin de laisser aux émetteurs un délai raisonnable pour s’adapter à l’utilisation de la technologie XBRL, l’obligation de baliser les comptes consolidés IFRS s’appliquera en deux temps : elle concernera uniquement les états financiers primaires à compter des exercices ouverts le 1er janvier 2020, puis les notes annexes aux états financiers à compter des exercices ouverts le 1er janvier 2022.
Des enjeux significatifs pour les sociétés cotées et les commissaires aux comptes
Les sociétés devront se doter d’un outil capable de produire les états financiers au format requis ou d’adapter leurs outils internes. Or, s’il existe des logiciels capables de produire des informations au format XBRL voire iXBRL, aucun outil ne permet à ce jour de tenir compte de l’ensemble des spécificités du format ESEF et des éventuels besoins d’extension avec les contraintes réglementaires et techniques d’ancrage y afférentes. En outre, de tels outils nécessitent une expertise XBRL.
Par ailleurs, le passage des états financiers actuels vers la taxonomie ESEF nécessitera un travail minutieux pour associer les rubriques des états financiers aux éléments de la taxonomie. Cela constituera néanmoins une occasion pour elles de revoir leur communication financière.
Enfin, la Commission européenne doit se prononcer en 2019 sur les obligations qui incomberont aux commissaires aux comptes en matière d’audit des tags XBRL.
************
Pour se connecter au site internet de l’ESMA dédié au projet ESEF comprenant notamment deux tutoriels
Pour télécharger les fichiers électroniques XBRL de l’ESMA
Pour télécharger le guide de l’ESMA pour la préparation du reporting au format Inline XBRL
Pour consulter le projet de « Règlement délégué de la Commission du 17.12.2018 complétant la directive 2004/109/CE du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation précisant le format d’information électronique unique »