L’ESMA fait part de ses attentes sur l’application de la norme IAS 12
Ces dernières années, l’ESMA et les autorités de contrôle européennes ont discuté au sein des European Enforcers Coordination Sessions (EECS) de plusieurs cas liés à la comptabilisation des IDA résultant du report de pertes fiscales inutilisées.
Les régulateurs ont rencontré des situations où, malgré un historique de pertes fiscales récentes, les émetteurs ont reconnu des IDA significatifs, parfois sur un nombre d'années prolongé, sans disposer de preuves suffisantes à l’appui de leurs attentes concernant le bénéfice imposable disponible au cours de périodes futures sur lequel des pertes fiscales inutilisées pourraient être imputées et des cas où, les informations relatives aux IDA présentées dans les annexes des Etats financiers n’étaient pas suffisamment détaillées ou adaptées aux faits et à la situation de l’émetteur.
Dans son document public, l’ESMA aborde deux aspects que les autorités de contrôle européennes remettent souvent en question concernant l’application de la norme IAS 12 par les émetteurs, à savoir :
- Évaluer la probabilité que des bénéfices imposables futurs soient disponibles ;
- Déterminer si des « autres indications convaincantes » corroborent les attentes en matière de bénéfices imposables futurs.
1. Évaluer la probabilité que des bénéfices imposables futurs soient disponibles
La norme IAS 12 ne définit pas comment évaluer la probabilité que des bénéfices imposables futurs soient disponibles pour déterminer si les IDA résultant de pertes fiscales non utilisées doivent être reconnus. L'ESMA est d'avis que le concept de probabilité doit être compris de la même manière que pour les autres normes et être basé sur un seuil « plus probable qu'improbable » (c'est-à-dire supérieur à 50%).
A cet égard, l’ESMA souligne les points suivants :
Indication négative et positive
Pour déterminer s’il est probable que des bénéfices imposables futurs seront disponibles, les émetteurs devraient examiner toutes les indications disponibles, à la fois négatives et positives.
Les émetteurs devraient déterminer si suffisamment d’indications positives l'emportent sur les indications négatives existantes et si le seuil de 50% est donc passé.
Pertes liées à l’exploitation
Lors de la pondération des indications négatives et positives liées à la reconnaissance des IDA, les pertes liées à l'exploitation nécessitent des indications positives compensatoires plus fortes que les profits ou pertes résultant d’un événement ponctuel ou d’événements non récurrents, comme un déménagement dans une nouvelle usine ou un incendie, pour conclure que des bénéfices futurs suffisants seront disponibles (IAS 12, paragraphe 36c).
Estimations / Prévisions / Planification :
L’ESMA souligne qu’en règle générale :
- plus les estimations / prévisions s’étendent dans le futur, moins elles sont fiables ; leur poids doit donc être évalué en conséquence ;
- l’existence de pertes fiscales inutilisées est une indication forte que des bénéfices imposables futurs pourraient ne pas être disponibles (paragraphe 35 d'IAS 12) ;
- les prévisions / planifications doivent être raisonnables, réalistes et réalisables dans tous les cas ; et
- lorsque les émetteurs ont un historique de pertes fiscales récentes et ne disposent pas de différences temporaires suffisantes, les prévisions / planifications devraient fournir d’ « autres indications convaincantes » permettant de reconnaître les IDA.
Date d’expiration des déficits fiscaux
Bien que les pertes fiscales sans date d'expiration soient plus susceptibles d'être compensées par les bénéfices futurs, elles ne fournissent pas à elles seules la preuve que "des bénéfices imposables suffisants sont probables" pour que les IDA soient reconnus.
Le report en avant des pertes fiscales ne peut être comptabilisé que s’il est probable que des bénéfices imposables futurs suffisants seront générés pour que les pertes fiscales puissent être imputées. Il ne suffit pas de cesser simplement de faire des pertes, mais que les émetteurs fournissent la preuve que des bénéfices imposables futurs suffisants seront générés. De même, lorsque les pertes fiscales ont une période d’expiration courte, les IDA devraient être soumis à un examen d’autant plus critique car il y aura moins de temps pour générer des profits suffisants pour pouvoir imputer les pertes fiscales disponibles.
Continuité d’exploitation
L’évaluation par la direction de la capacité de l’entité à poursuivre son activité ne justifie pas, en soi, la reconnaissance d'un IDA. Au contraire, s’il existe des incertitudes qui pourraient jeter des doutes importants sur la continuité d’exploitation de l’entité (par exemple en raison de problèmes de liquidité), la reconnaissance des IDA devrait alors être analysée avec un scepticisme accru.
2. Déterminer si des « autres indications convaincantes » corroborent les attentes en matière de bénéfices imposables futurs
L’ESMA souligne les points suivants :
Indications vérifiables
L'ESMA s'attend à ce que les « autres indications convaincantes » soient objectivement vérifiables pour la reconnaissance des IDA.
Par exemple, un historique de pertes récentes est une indication négative objectivement vérifiable de l’absence de bénéfice imposable futur suffisant. À cet égard, l’ESMA est également d’avis que, comme les estimations des bénéfices imposables futurs nécessitent de faire preuve de jugement, plus il existe d’indications négatives, moins on devrait se fier à des prévisions de bénéfices imposables futurs.
Faits et circonstances propres à chaque émetteur
L'ESMA note que la fiabilité des prévisions de bénéfices dépend également des faits et circonstances de chaque cas, tels que le secteur d'activité et / ou l'expérience des émetteurs.
Par exemple, les émetteurs ayant des contrats à long terme (par exemple dans le secteur immobilier, ou dans des accords de concession, etc.) peuvent être plus facilement en mesure de justifier de manière convaincante la reconnaissance des IDA même si leurs budgets ne sont réalisés qu’à court terme. Au contraire, les startups sans historique important de résultats financiers ou les émetteurs opérant dans des secteurs ayant un historique de volatilité des résultats pourraient devoir fournir d’autres indications plus convaincantes de la fiabilité de leurs prévisions de bénéfices.
Estimation du bénéfice futur
Lors de l’estimation du bénéfice imposable futur, l’ESMA s'attend à ce que les émetteurs n’anticipent pas ou ne tiennent pas compte d’événements futurs qui ne peuvent pas être contrôlés par eux et sont toujours très incertains.
Cela inclut, par exemple, les futures modifications des lois fiscales ou des taux adoptés (autres que les modifications déjà en vigueur), les éventuelles acquisitions d’entreprises, des événements qui dépendent des conditions futures du marché ou des événements incompatibles avec le contenu des rapports financiers ou les stratégies communiquées précédemment.
Cohérence avec le business plan de l’entité
Lors de l’évaluation des bénéfices imposables futurs probables, les émetteurs doivent également s'assurer du caractère raisonnable de leur business plan et de son impact sur les futurs bénéfices imposables, (y compris leurs antécédents / capacités d’accomplissement de leurs budgets et la cohérence avec les données et tendances pertinentes du secteur) et de la cohérence des hypothèses comparées aux périodes antérieures et aux prévisions utilisées dans les autres estimations des états financiers pour des éléments qui devraient être comparables (par exemple, la dépréciation du goodwill).
Limite de temps prévue par la norme IAS 12
L’ESMA note que bien qu’il n’existe pas de limite de temps spécifique dans la norme concernant la période de prévision du bénéfice, la fiabilité de celle-ci diminue au fur et à mesure que l’horizon des prévisions s'étend.
Plus la prévision est longue, plus des événements imprévus et des circonstances indépendantes de la volonté des émetteurs peuvent avoir une incidence sur la fiabilité des prévisions de profit. Par conséquent, les émetteurs doivent faire preuve de prudence lorsque leur période de planification aux fins de la reconnaissance des IDA dépasse leur cycle de planification normal.
Opportunités de planification fiscale
Les opportunités de planification fiscale peuvent également être utilisées pour justifier la reconnaissance des IDA (paragraphe 29 (b) d'IAS 12). L’ESMA considère que les actions prévues doivent être réalistes, fiscalement rentables et cohérentes avec la stratégie commerciale de l'émetteur. En outre, l’ESMA s’attend à ce que le montant des bénéfices futurs imposables, que devraient générer les stratégies proposées, tienne compte des coûts déductibles supplémentaires attendus pour les mettre en œuvre.
3. Autres sujets
Informations à fournir
L'ESMA souligne que les informations relatives aux IDA doivent être spécifiques à l'émetteur et non standards (par exemple, ne pas simplement reproduire les références pertinentes incluses dans IAS 12).
Les informations à fournir devraient être adaptées aux faits et à la situation de l’émetteur et à la reconnaissance des IDA.
Le niveau de détail des informations fournies devrait être équilibré et proportionné en tenant compte de l’importance relative de ces actifs dans les états financiers de l’émetteur, et des incertitudes et des jugements utilisés autour de la reconnaissance des IDA.
Par conséquent, plus il y a de jugements et/ou incertitudes liés à la reconnaissance de ces actifs, plus les informations prévues dans les états financiers doivent être détaillées par un émetteur.
Remarques finales
L’ESMA juge pertinent que les émetteurs, les auditeurs et les comités d’audit tiennent compte de cette déclaration lors de la préparation des états financiers. Elle continuera à faire attention à cette question lors de l’examen des états financiers (conjointement avec les autorités nationales compétentes).
Pour télécharger le Public Statement de l’ESMA (en anglais)
Pour consulter la version complète et en français du Public Statement
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