Les priorités et recommandations pour les états financiers 2020
1. Pertinence et transparence des états financiers
Un contexte marqué par des incertitudes fortes
L’environnement de crise sanitaire et économique inédit crée des incertitudes significatives, qui rendent plus complexe la détermination de certaines hypothèses structurantes utilisées dans le cadre de l’arrêté des comptes. L’AMF attire l’attention des sociétés et de leurs organes de gouvernance, y compris le comité d’audit, sur l’importance d’une gouvernance et d’un dispositif de contrôle interne renforcés ainsi que sur les attentes accrues des utilisateurs en matière de transparence de l’information.
Jugements et estimations clés
Du fait des incertitudes actuelles, les utilisateurs des états financiers sont particulièrement attentifs aux estimations et jugements clés effectués par les sociétés. L’AMF recommande aux sociétés de communiquer des informations spécifiques et détaillées sur les sujets ayant nécessité des jugements et estimations importants.
En outre, il conviendra de s’assurer de la cohérence des hypothèses entre les diverses évaluations menées et les différentes informations communiquées à la clôture : continuité d’exploitation, tests de dépréciation, comptabilisation d’impôts différés, hypothèses macroéconomiques retenues dans les calculs des pertes de crédit attendues, comptabilité de couverture, rapport de gestion, facteurs de risque, autres éléments de communication financière, etc.
Présentation des éléments liés à la covid-19 dans les états financiers
Le paragraphe 45 de la norme IAS 1 Présentation des états financiers pose le principe de permanence de la présentation des états financiers. Ainsi, afin de permettre une compréhension de la performance et à des fins de comparabilité, l’AMF demande de continuer à ne pas modifier les rubriques et sous-totaux du compte de résultat dans l’objectif d’isoler certains effets identifiés de la covid-19. De même, l’AMF demande de ne pas classer certains effets de la covid-19 parmi les produits et charges non courants que les montants soient significatifs ou non (sauf pour les impacts significatifs portant sur des natures de produits et charges classés en non courant habituellement comme les dépréciations de goodwill ou les charges de restructuration). L’AMF considère en effet qu’un tel classement nuit à la compréhension de la performance de l’entité. De plus, une telle présentation peut avoir des impacts sur les agrégats et ratios clés de la société, les accords contractuels (covenants financiers par exemple) ou encore les indicateurs utilisés dans la détermination de certaines rémunérations.
Par ailleurs, l’AMF invite l’ensemble des sociétés présentant dans leurs notes annexes certains effets considérés comme liés à la covid-19, à préciser la méthodologie utilisée pour leur identification (typologie de charges et produits) et le calcul des effets (par rapport à l’historique, un budget, des estimés, des impacts incrémentaux, etc…).
2. Evaluation des actifs non financiers
Modalités des tests de dépréciation
L’AMF rappelle aux sociétés de tester leurs UGT comprenant des goodwill, actifs incorporels à durée de vie indéterminée ou immobilisations incorporelles en cours, à la même période qu’habituellement, soit dans le cadre de la clôture annuelle usuellement, et ce, même si des tests de dépréciation ont déjà été menés pour les clôtures intermédiaires précédentes. Pour les tests annuels, l’ensemble des hypothèses financières et opérationnelles seront à mettre à jour.
Par ailleurs, l’AMF rappelle l’importance d’identifier l’existence d’indices de perte de valeur à la clôture annuelle pour les actifs non financiers amortissables, et de procéder, le cas échéant, à un test de dépréciation, quand bien même de tels tests auraient déjà été conduits à la clôture semestrielle. Dans le contexte actuel, on peut s’attendre à une recrudescence de la présence d’indices de perte de valeur. La norme IAS 36 en fournit une liste large et non exhaustive (détérioration de l’environnement économique, baisse des revenus ou des performances réalisées par rapport à 2019 ou aux budgets, capitalisation boursière de la société, etc.).
Informations en annexe sur les hypothèses retenues et leur sensibilité
L’AMF recommande aux sociétés de porter une attention particulière à la description des hypothèses clés retenues dans leurs tests de dépréciation sur les goodwill et autres actifs, notamment des hypothèses opérationnelles, en fournissant également, quand cela est applicable, des explications sur l’évolution de ces hypothèses depuis les états financiers semestriels. À ce titre, l’AMF rappelle qu’un poids plus important doit être donné aux éléments probants externes dans la détermination des hypothèses du test et que, si les hypothèses utilisées diffèrent de l’expérience passée ou des sources d’informations externes, la société doit l’expliquer. À titre d’exemple, les sociétés pourront utilement indiquer l’hypothèse retenue en termes de calendrier attendu de retour à une situation économique jugée normale et, le cas échéant, les différences entre cette année normale et la situation pré-crise.
S’agissant de la présentation des analyses de sensibilité, l’AMF recommande aux sociétés de porter une attention toute particulière aux hypothèses clés retenues afin de retenir les variables les plus pertinentes. Dans le contexte actuel, il pourra être utile de présenter une sensibilité à un éventuel décalage de l'horizon de retour à une situation économique jugée normale et d’adapter l’information communiquée puisque l’amplitude des variations d’hypothèses considérées comme raisonnablement possibles s’est généralement élargie. Lorsque la société estime qu’aucune variation raisonnablement possible des hypothèses clés ne peut conduire à une dépréciation, l’AMF recommande aux sociétés de chiffrer les variations d’hypothèses clés considérées comme raisonnablement possibles afin de rassurer et éclairer les utilisateurs. Par ailleurs, l'AMF encourage les sociétés à présenter leurs analyses de sensibilité sous forme de marge de sécurité ou de valeur-seuil (hypothèses à partir desquelles la valeur recouvrable devient inférieure à la valeur comptable). Une telle présentation permettra en effet, au lecteur des états financiers de mieux appréhender les marges existantes. L’AMF souligne également l’importance de ces analyses de sensibilité, y compris lorsque l’actif testé a été partiellement déprécié (en indiquant les montants de dépréciations complémentaires en cas de variations des hypothèses clés).
3. Continuité d’exploitation, liquidité et besoin en fonds de roulement
Continuité d’exploitation
Dans l'environnement actuel, les effets de la pandémie de la Covid-19 augmentent l'incertitude sur les perspectives des entreprises individuelles ainsi que de l'économie dans son ensemble. Par conséquent, la transparence est nécessaire pour promouvoir davantage la confiance des investisseurs.
L’AMF recommande aux sociétés ayant identifié des enjeux de continuité d’exploitation dans les douze mois suivant la date de clôture, d’être transparentes sur l’ensemble des hypothèses utilisées (indicateurs retenus, horizon considéré, etc.) qui ont permis d’établir les états financiers selon le principe de continuité d’exploitation, ainsi que sur les incertitudes associées.
L’AMF recommande aux sociétés ayant conclu, à l’issue d’une analyse, que le principe de continuité d’exploitation ne comprenait pas d’incertitude significative, d’être spécifiques et détaillées dans la présentation des jugements étayant cette analyse. Il est important d’adapter le niveau et la nature des informations à la situation de chaque société (magnitude des impacts de la crise économique et sanitaire, situation de trésorerie et de dette, zones d’implantation, etc.).
Informations sur la liquidité
L’AMF insiste sur l’importance de fournir dans les états financiers des informations suffisamment détaillées et spécifiques pour permettre aux utilisateurs d’apprécier la nature et l’ampleur du risque de liquidité. À ce titre il semble particulièrement pertinent d’apporter une information détaillée sur les renégociations de dettes significatives et les nouveaux financements significatifs (caractéristiques, montant, tirage, traitement comptable, classement), notamment pour les sociétés ayant fait appel aux prêts garantis par l’État. À ce titre, les sociétés pourront indiquer leur décision, si déjà connue, de prolonger ou non les prêts garantis par l’État obtenus.
L’AMF recommande également de continuer à fournir une information spécifique sur les covenants bancaires et, le cas échéant, les moratoires obtenus.
Gestion du besoin en fonds de roulement
Pour les sociétés ayant mis en place des opérations significatives de gestion du BFR (comme de l’affacturage ou de l’affacturage inversé), l’AMF recommande une transparence particulière dans les états financiers avec une description des programmes, la mention de l’analyse effectuée et du traitement comptable retenu, la présentation des montants en jeu (total du programme, montant des créances ou dettes concernées, montants des garanties le cas échéant) et également le classement dans les états financiers (au bilan, tableau de flux de trésorerie et compte de résultat).
En ce qui concerne les opérations d’affacturage inversé qui font actuellement l’objet d’un projet de décision de l’IFRS IC, l’AMF invite les sociétés concernées à suivre l’issue des discussions et, si possible, à prendre en compte l’éventuelle décision dans leurs états financiers annuels 2020.
4. Institutions financières
Pour les établissements financiers, l’AMF recommande aux sociétés de :
(i) préciser dans leurs états financiers les impacts de la crise sur l’identification, le suivi et l’évaluation du risque de crédit ;
(ii) développer les informations présentées dans les états financiers sur le calcul des pertes attendues ;
(iii) développer l’information relative à leurs expositions au risque de crédit et à la variation de ces dernières.
5. IFRS 16 Contrats de location
Si la société a dû effectuer une analyse spécifique afin de déterminer si un contrat significatif contient un contrat de location, l’AMF recommande de préciser l’analyse effectuée et la conclusion de cette analyse. Par exemple, la société pourra utilement préciser si elle a considéré que le fournisseur détient un droit de substitution substantiel ou qu’il conserve le droit de décider comment et à quelles fins l’actif est utilisé.
Durée des contrats de location
L’AMF recommande aux sociétés de présenter les informations clés permettant d’apprécier les principaux jugements effectués par la société pour déterminer la durée des contrats de location et l’évaluation de la dette de location, en particulier pour les baux immobiliers.
Certaines sociétés n’ayant pas pu finaliser dans leurs états financiers semestriels 2020 les analyses et les modifications nécessaires à la mise en œuvre de la décision de l’IFRS IC sur la détermination de la durée des contrats de location, l’AMF s’attend à ce que cette décision soit prise en compte, avec effet rétroactif à la date de transition, au plus tard dans les états financiers annuels 2020.
A la lumière de cette décision, l’ANC a mis à jour et publié le 3 juillet 2020 son relevé de conclusions relatif à la détermination de la durée des baux commerciaux dits 3-6-9 qui annule et remplace celui de 2018.
Comptabilisation des aménagements de loyers accordés par les bailleurs dans le contexte de la covid-19
L’AMF rappelle aux sociétés qui appliqueront lors de la clôture annuelle 2020 l’amendement à la norme IFRS 16 sur les aménagements de loyers côté preneurs de le préciser clairement, et d’indiquer le montant comptabilisé dans le résultat de l’exercice au titre de ces aménagements de loyers reçus, tel que requis par l’amendement. Pour les sociétés significativement concernées et n’appliquant pas l’amendement, l’AMF recommande de préciser également le traitement comptable retenu et les montants en jeu. Concernant les sociétés cotées, l’ESMA note que le paragraphe 60A de la norme IFRS 16 exige des informations spécifiques de la part des preneurs qui ont appliqué l’amendement à la norme IFRS 16 : Allégements de loyers liés à la Covid-19.
En ce qui concerne les bailleurs, si les montants sont significatifs, l’AMF recommande de préciser l’analyse effectuée, le traitement comptable retenu et les montants concernés.
Informations en annexe et présentation des états financiers
Informations liées au compte de résultat
L’AMF rappelle aux sociétés significativement concernées d’indiquer le montant des loyers comptabilisés dans le résultat de l’exercice en distinguant les différents éléments les composant, dont les loyers variables et les loyers relatifs aux contrats de location bénéficiant des exemptions de comptabilisation au bilan (relatives aux baux de courte durée ou portant sur des actifs de faible valeur).
Dette de location et paiements des loyers
L’AMF recommande aux sociétés de développer les informations présentées relatives aux sorties de trésorerie liées aux contrats de location en précisant (i) les sorties de trésorerie totales de l’exercice (y compris les sorties de trésorerie relatives aux loyers variables et à des locations bénéficiant de l’exemption court terme ou de faible valeur) et (ii) des informations sur les sorties de trésorerie futures non prises en compte dans l’évaluation de la dette de location notamment en raison de paiements de loyers variables, d’options d’extension non prises en compte dans la durée du contrat de location, ou au titre des contrats de location n’ayant pas encore pris effet.
6. Informations non financières
Enfin, dans un contexte de crises sanitaires telles que la pandémie de la Covid-19, l’ESMA rappelle la pertinence d'assurer la transparence sur les éléments liés aux :
- questions sociales (notamment en matière de santé et de sécurité) ;
- business model et création de valeur ;
- risques liés au changement climatique ;
- indicateurs alternatifs de performance (APMs).
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