Décision de l’IFRS IC : Attribution des avantages aux périodes de service (IAS 19)
1. Le contexte de la décision de l’IFRS Interpretations Committee
En décembre 2020, l’IFRS Interpretations Committee (le Comité) a reçu une question concernant les périodes de service auxquelles une entité doit rattacher les prestations de retraite relatives à un régime à prestations définies. Dans le cas qui lui a été soumis, le régime présentait les caractéristiques suivantes :
- L’employé a droit à une prestation de retraite forfaitaire lorsqu’il atteint l’âge de départ en retraite de 62 ans, à condition qu’il soit toujours employé par la société à cette date ;
- Le montant de cette prestation dépend de l’ancienneté de l’employé dans l’entreprise, mais est plafonné à un nombre déterminé d'années de service consécutives :
- la prestation correspond à un mois du dernier salaire pour chaque année de service dans l'entité avant l'âge de la retraite ;
- la prestation est plafonnée à 16 années de service soit 16 mois de salaires ; et
- la prestation est calculée en utilisant uniquement le nombre d'années consécutives d'ancienneté dans l'entité immédiatement avant l'âge de départ en retraite.
La question est donc de savoir à quelles périodes de service attribuer les prestations de retraite, notamment si le salarié a rendu des services sur une période consécutive supérieure à 16 ans. Pour ce faire, trois approches ont été examinées par le staff du Comité :
- Approche A : on considère que la période d’acquisition court à partir de la date à laquelle l'employé commence à travailler pour l'entité jusqu'à la date de départ en retraite, que cette période soit supérieure ou non au plafond de nombre d’années d’ancienneté ;
- Approche B : on considère que la période d’acquisition se déroule uniquement sur les « n » premières années consécutives de service correspondant au plafond (ou à partir de la date de début de l'emploi jusqu'à la date de départ en retraite si l’employé a rejoint l'entité avec un nombre d’années restantes jusqu'à la retraite inférieur au plafond) ;
- Approche C : on considère que la période d’acquisition ne correspond qu’aux « n » dernières années consécutives de service immédiatement avant l’âge de départ en retraite (ou à partir de la date de début de l'emploi jusqu'à la date de départ en retraite si l’employé a rejoint l'entité avec un nombre d’années restantes jusqu'à la retraite inférieur au plafond).
2. Les dispositions de la norme IAS 19 Avantages au personnel
Les paragraphes 70 à 74 de la norme IAS 19 stipulent qu’une entité doit attribuer les prestations de retraite aux périodes de service selon la formule de calcul des prestations établie par le régime (i) à partir de la date à laquelle les services rendus par l’employé génèrent des droits à prestation et (ii) jusqu'à la date à laquelle les services supplémentaires rendus par l’employé cessent de générer des droits additionnels pour un montant significatif.
Le paragraphe 71 précise que l’entité doit rattacher les droits à prestations aux périodes au cours desquelles l’obligation de fournir des avantages postérieurs à l’emploi est générée et que cette obligation naît du fait que l’employé rend des services en échange d’avantages postérieurs à l’emploi que l’entité s’attend à payer au cours de périodes futures.
Le paragraphe 72 indique que les services rendus par l’employé avant la date d'acquisition des droits génèrent une obligation implicite dans la mesure où le nombre d’années de service que l’employé devra encore effectuer diminue chaque année.
3. Illustration de l’application des textes au cas soumis au Comité
Le paragraphe 73 de la norme IAS 19 précise que l'obligation de l'entité augmente jusqu'à la date à laquelle la poursuite des services de l’employé n'entraînera pas un montant significatif de prestations supplémentaires au titre du régime (au cas d’espèce 62 ans). A ce titre, le Comité relève que :
a) Si l’employé rejoint l'entité avant l'âge de 46 ans, soit plus de 16 ans avant l'âge de départ en retraite, tout service rendu par celui-ci avant l'âge de 46 ans ne génère pas de droit à des prestations au titre du régime. Le service rendu par l'employé avant l'âge de 46 ans n'affecte ni la date ni le montant de la prestation de retraite. En conséquence, l'obligation de l'entité de fournir une prestation de retraite ne naît que pour les services rendus à partir de l'âge de 46 ans.
b) Si l’employé rejoint l'entité à l'âge de 46 ans ou après, chaque année de service rendu entre l'âge de 46 ans et de 62 ans génère des prestations supplémentaires au titre du régime. Les services rendus par l’employé à partir de la date d'embauche ont une incidence sur le montant de la prestation de retraite. En conséquence, l'obligation de l'entité de fournir la prestation de retraite naît à compter de la date à laquelle l’employé rend son premier service.
Le Comité en a conclu que l'entité attribue la prestation de retraite à chaque année de service rendu par l’employé à partir de l'âge de 46 ans jusqu'à l'âge de 62 ans (ou, si l'emploi commence à l'âge de 46 ans ou après, à partir de la date où l'employé rend des services pour la première fois jusqu'à l'âge de 62 ans).
4. Le processus de décision du Comité et la date d’entrée en vigueur
Lors de sa décision provisoire de décembre 2020, le Comité a conclu que la norme IAS 19 « Avantages au personnel », et notamment la première partie de l’exemple 2 illustrant le paragraphe 73, fournit une base adéquate permettant de traiter le cas soumis, sans qu’il soit nécessaire d’amender la norme ou d’en fournir une interprétation. Le Comté a décidé en conséquence de ne pas ajouter un projet de normalisation.
Conformément aux procédures de la Fondation IFRS (§8.2 du Due Process Handbook ), le Comité a soumis cette décision aux commentaires du public pendant une période de 60 jours. Après analyse des retours recueillis et malgré certains désaccords qui ont été soulevés à cette occasion, le Comité a décidé de maintenir sa position. La décision a ensuite été examinée et validée par l’IASB conformément au §8.7 du Due Process Handbook , avant d’être publiée au mois de mai 2021.
5. Impact pour les comptes établis en normes IFRS au 31 décembre 2021
L’approche retenue par le Comité correspond à l’approche C décrite ci-dessus : cela revient à constater l’acquisition des droits sur la période précédant l’âge de la retraite et permettant d’obtenir les droits plafonnés. Or en France, c’est l’approche A qui est communément utilisée pour calculer les provisions pour indemnités de départ en retraite, ce qui revient à étaler l’acquisition des droits sur toute la période de service de l’employé. La décision du Comité pourrait donc avoir un impact significatif pour certaines sociétés établissant leurs comptes consolidés en normes IFRS.
En application du paragraphe 8.6 du Due Process Handbook , lorsqu’une décision du Comité apporte un éclairage nouveau sur l’application des normes, son application est considérée comme un changement de méthode à appliquer de manière rétrospective conformément à la norme IAS 8 « Méthodes comptables, changements d’estimations comptables et erreurs ». La mise en œuvre de la décision devrait conduire à (i) une augmentation des capitaux propres au 1er janvier N-1 et (ii) une augmentation prospective des charges de personnel.
Cette décision étant définitive depuis mai 2021, les sociétés ont a priori disposé d’un délai suffisant pour en tenir compte dans la préparation de leurs états financiers clos le 31 décembre 2021. Dans la négative, elles devront fournir une information en annexe sur les raisons qui ont empêché son application, les analyses qui sont en cours et les enjeux potentiels ainsi que le plan de mise en œuvre dès lors que l’application de cette décision est susceptible d’avoir un impact significatif sur les comptes.
6. Impact pour les comptes établis en normes françaises au 31 décembre 2021
Consécutivement à la décision du Comité, le l’ANC a publié le 17 novembre 2021 une mise à jour de sa recommandation n°2013-02 du 7 novembre 2013 relative aux règles d'évaluation et de comptabilisation des engagements de retraite et avantages similaires pour les comptes annuels et les comptes consolidés établis selon les normes comptables françaises afin d’introduire un choix de méthodes relatif à la répartition des droits à prestations pour les régimes à prestations définies conditionnant l’octroi d’une prestation à la fois en fonction de l’ancienneté, pour un montant maximal plafonné et au fait qu’un membre du personnel soit employé par l’entité lorsqu’il atteint l’âge de la retraite.
Pour ces régimes, il est possible de répartir les droits de manière linéaire :
- soit à partir de la date de prise de service du membre du personnel (date d’embauche) ;
- soit à partir de la date à partir de laquelle chaque année de service est retenue pour l’acquisition des droits à prestation, c’est-à-dire la date avant laquelle les services rendus par le membre du personnel n’affectent ni le montant ni l’échéance des prestations.
En effet, l’ANC relève que pour ces régimes :
- le droit à prestation est directement lié au contrat de travail. Sous réserve d’une ancienneté minimale dans certaines circonstances, l’employeur a l’obligation de payer cette prestation dès l’embauche d’un employé et ne peut s’en défaire que dans des circonstances qui échappent à son contrôle ;
- comme indiqué au paragraphe 72 de la norme IAS 19 ou au paragraphe 6223 de l’Annexe 1 de la Recommandation, « les années de service antérieures à la date d'acquisition des droits génèrent une obligation implicite parce qu'à chaque date de clôture successive, le nombre d'années de service futur qu'un membre du personnel devra effectuer avant d'avoir droit aux prestations diminue ».
En conséquence, l’ANC estime qu'il serait aussi approprié d'allouer un coût de service à toutes les périodes de service entre la date de début de service et la date d'acquisition des droits.
Le changement résultant de la première application du choix de méthodes introduit par cette mise à jour est assimilé à un changement de réglementation comptable qui se traduit par un changement de méthode comptable, avec un impact en capitaux propres à l’ouverture de l’exercice 2021 et une information en annexe. La première application serait ouverte à compter du 17 novembre 2021 et une application rétroactive est possible à compter des exercices clos à compter du 30 juin 2021.
Pour télécharger :
- la note de contexte la recommandation de l'ANC
- la recommandation de l’ANC
- l'annexe à la recommandation
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