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Discours de Mary Tokar, membre de l'IASB : Quelle sorte de normes comptables faut-il écrire ?


Le travail des normalisateurs comptables, en l’occurrence celui de l’IASB, consiste à proposer au public des normes permettant de produire une information financière de qualité, servant l’intérêt général. C’est là un grand défi. Un membre du Board de l’IASB, Mary Tokar, de nationalité américaine et de longue date très engagée en faveur des IFRS, a posé (et s’est posée) un certain nombre de questions, exposées lors d’un discours prononcé à Bucarest en juin 2015 devant l’IAAER (Association Internationale pour l’Education et la Recherche Comptables).

Pour apporter des éléments de réflexion, Mary Tokar s’appuie sur des questions qui occupent actuellement l’agenda du Board : le projet de cadre conceptuel, la norme nouvelle IFRS 15 sur le chiffre d’affaires. Elle y examine ces thèmes récurrents qui font l’objet de vifs débats et constants au sein même du Board, et très probablement chez les autres parties prenantes. Voici un résumé de la teneur des propos tenus, en son nom propre, par Mary Tokar. 

COMPARABILITE versus BUSINESS MODEL

La comparabilité est une des caractéristiques qualitatives essentielle dans le cadre conceptuel. A vrai dire, c’est bien l’objet des normes comptables de promouvoir une information globalement comparable pour permettre aux investisseurs de faire des choix raisonnés.

Cependant, le Board décide assez souvent de ne pas privilégier la comparabilité, en permettant ou demandant de prendre en compte les « business models ». La prise en compte de ceux-ci a pour conséquence que les mêmes actifs et les mêmes passifs sont comptabilisés de façon différente lorsqu’ils sont utilisés et gérés selon des modèles économiques différents. Ainsi, la même obligation, par exemple, pourra être évaluée au coût amorti, ou en juste valeur, selon qu’elle fait partie d’un portefeuille de titres conservés jusqu’à l’échéance ou, au contraire, d’un portefeuille de titres régulièrement négociés. On peut en déduire que cette approche nuit à la comparabilité, car des produits identiques sont mesurés de façon différente.

Pourquoi le normalisateur ne recherche-t-il pas la comparabilité à tout prix ? C’est parce que les états financiers doivent également être un outil de communication faisant sens. Le normalisateur insiste sur la comparabilité parce que l’investisseur en a besoin pour faire ses choix. Cependant, même deux banques opérant dans le même pays peuvent avoir des stratégies et des activités économiques différentes. Il ne serait pas pertinent de les faire entrer dans le même moule.

Il est donc judicieux que, afin que les états financiers soient un outil de communication et pas seulement un exercice de conformité, le récent projet de cadre conceptuel ait proposé que l’évaluation (la mesure) d’un élément reflète à la fois  les caractéristiques de l’élément et la façon dont il est utilisé par l’entité pour générer des cash flows, c’est-à-dire le business model. Ainsi, l’équilibre trouvé dans la norme sur les instruments financiers IFRS 9 est le reflet de cette approche.

Le business model, à ne pas confondre avec une simple intention, doit être avéré et permanent. 

La comparabilité entre entité est déjà en soi une question difficile. La comparabilité entre secteurs l’est davantage. Pourtant, elle est tout aussi nécessaire, parce que l’investisseur a des choix d’investissement entre banques, assurances, bancassurances, grande distribution, pharmacie, aviation, etc.

Les situations évoluent vite et les lignes sont brouillées. Il faut des normes qui s’adaptent aux évolutions. Il y a par exemple des produits financiers émis par des assureurs qui comportent certes un élément d’assurance, mais aussi des dépôts significatifs dont le remboursement est garanti. La frontière n’est plus étanche entre les industries.

LA COMPTABILISATION DU CHIFFRE D’AFFAIRES ET L’EXERCICE DU JUGEMENT

Il y a des leçons à tirer de l’expérience qu’a acquise le normalisateur au cours du projet aboutissant à IFRS 15. Cette norme convergeante avec les US GAAP remplace 200 textes américains spécifiques à chaque industrie  et deux brèves normes IFRS.

Cette norme devrait nettement améliorer la comparabilité intersectorielle, car une seule norme s’appliquera à toutes les industries. Mais ce « patron unique » n’est pas sans poser de problèmes, en particulier parce qu’il demande au plus haut point l’exercice du jugement.

Alors que les US GAAP voient disparaître une quantité de guidances spécifiques, les IFRS en gagnent là où ils en manquaient.

La norme est basée sur l’exécution (performance) d’un contrat avec un client. Il y a deux types de performance : à une date donnée (« point in time ») ou au fil du temps (« performance over time »), le second permettant la méthode du pourcentage d’avancement. Le concept de promesse est inhérent à la norme. Qu’est-ce que l’entité a promis ? Comment ces promesses se traduisent-elles en obligations de performance distinctes ? Quelle rémunération pour chaque performance ? Ces idées paraissent simples mais elles requièrent du jugement pour être mises en pratique.

Ecrire une norme centrée sur des principes sert aussi à la prémunir contre l’obsolescence et à la pérenniser. Il y a 40 ans les détaillants achetaient des stocks et en assumaient le risque. Aujourd’hui, on voit des grossistes payer le détaillant pour l’espace de l’étalage, payer la publicité pour que le détaillant promeuve leurs produits et accorder des remises pour les invendus. A partir de quand ce détaillant devient-il un simple agent du grossiste ? Une norme de principe peut s’adapter à de telles évolutions. Il se peut que le chiffre d’affaires devienne celui du grossiste dans certains cas.

Inciter les préparateurs et les auditeurs à exercer leur jugement est difficile – résistance au changement - et l’éducation est clé. L’usage des bases des conclusions devrait être une aide précieuse, insuffisamment exploitée.

APPLIQUER LE PRINCIPE DE MATERIALITE

Le concept de caractère significatif (« materiality ») demande aux dirigeants d’être sélectifs dans l’information qu’ils présentent, avec comme objectif de se limiter aux informations qui sont susceptibles d’influencer les décisions des investisseurs. Ce principe maintes fois réaffirmé, mais souvent mal appliqué, fait l’objet désormais d’une guidance du Board. Là aussi, le jugement doit s’exercer. Une bonne application du principe devrait éviter que le Board n’introduise dans les normes des exceptions (comme celle des actifs de petite valeur dans la future norme sur les contrats de location), qui sont en réalité un facteur de complications.

COMMENT ENSEIGNER ?

Mary Tokar met au sommet de sa liste le raisonnement et la logique .S’il est important de connaitre les sujets, il ne sert à rien de les mémoriser sans comprendre leur objectif. Il faut éviter des débats sans fin du type : « où as-tu vu qu’il est écrit qu’on ne peut pas le faire » ? ou inversement.

Vient ensuite l’entraînement à l’exercice du jugement. Difficile, mais de toute façon nécessaire pour progresser dans une carrière professionnelle.

Ensuite, comprendre comment fonctionnent les entreprises. Former davantage les comptables à la finance devient une nécessité.

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