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Lettre de commentaires de l’ANC à l'IFRS IC sur la question des opérations TLTRO III (IFRS 9 et IAS 20)


Le 20 juillet 2021, l'ANC a adressé une lettre de commentaires en réponse à la décision provisoire d'inscription à l’ordre du jour (Tentative Agenda Decision  « TAD ») de l’IFRS Interpretations Committee (IFRS IC) publiée en juin 2021, concernant les opérations TLTRO III (IFRS 9 et IAS 20). 

Analyse technique globale de l’IFRS IC incluse dans le TAD

L’ANC approuve l'analyse technique et la conclusion provisoire de l’IFRS IC telles qu'elles sont présentées dans le TAD, à l'exception d'un aspect de l'analyse qui concerne l'évaluation ultérieure du passif financier (voir ci-dessous).

Évaluation ultérieure du passif financier au coût amorti

Dans le TAD, l’IFRS IC n’exprime qu'un point de vue possible sur la manière d'analyser le taux d'intérêt qui s'applique aux tranches TLTRO III

L’IFRS IC note que les paragraphes B5.4.5 et B5.4.6 de la norme IFRS 9 Instruments financiers  énoncent les dispositions sur la manière dont une entité doit comptabiliser les changements dans les flux de trésorerie futurs estimés d'un passif financier. En particulier, l’IFRS IC note que (i) le paragraphe B5.4.5 [1]  s'applique aux passifs financiers à taux flottant, (ii) la norme IFRS 9 ne précise pas ce que l'on entend par taux flottant et (iii) un instrument financier dont les flux de trésorerie contractuels sont variables et qui peut être ajusté périodiquement pour refléter les mouvements des taux d'intérêt du marché est un instrument financier à taux flottant.

L’ANC est en ligne avec ces observations.

L’IFRS IC poursuit en indiquant qu’ « … un instrument financier à taux flottant peut être constitué d'une composante « taux d'intérêt variable », qui est révisé pour refléter les mouvements des taux d'intérêt du marché (par exemple, le taux de la BCE sur les opérations principales de refinancement), à laquelle s'ajoutent ou se soustraient d'autres composantes qui sont fixes et donc non révisées pour refléter les mouvements des taux d'intérêt du marché (par exemple, la réduction fixe de 50 points de base accordée par la BCE sur certaines tranches du TLTRO III pour une période fixe). »

En analysant la comptabilisation des changements d’estimations des flux de trésorerie, l’IFRS IC souligne que le paragraphe B5.4.5 de la norme IFRS 9 s'applique uniquement à la composante « taux d'intérêt variable » d'un instrument à taux flottant (dans la mesure où il reflète les mouvements des taux d'intérêt du marché) et non aux autres composantes du taux d'intérêt de l'instrument (qui typiquement ne sont pas révisés pour refléter les mouvements des taux d'intérêt du marché).

En d'autres termes, le TAD précise que la réduction fixe de 50 points de base accordée par la BCE sur certaines tranches du TLTRO III pour une période fixe est un élément fixe et qu’en conséquence le paragraphe B5.4.6 de la norme IFRS 9 s'applique lors de la comptabilisation de toute modification des flux de trésorerie futurs estimés de l'instrument résultant d'une modification de cet élément, notamment lorsque la BCE a décidé que le taux d'emprunt applicable à certaines opérations de refinancement serait inférieur de 50 points de base au taux de l'opération principale de refinancement (Main Refinancing Operations  « MRO »)) pendant une période fixe déterminée.

L’ANC est en désaccord avec cette observation.

L’ANC convient qu'il existe de nombreuses circonstances dans lesquelles une entité analyse un taux d'emprunt qui comprend un taux d'intérêt de référence et une composante fixe comme incluant à la fois :

  • Une composante « taux d'intérêt variable » auquel s'applique le paragraphe B5.4.5 de la norme IFRS 9 ; et
  • Une autre composante fixe à laquelle s'applique le paragraphe B5.4.6 de la norme IFRS 9.

Cependant, l’ANC estime que le TAD traite de circonstances très spécifiques qui pourraient justifier l'application du paragraphe B5.4.5 de la norme IFRS 9 à toute variation de l'élément fixe de 50 points de base. L’ANC estime également que l’IFRS IC ne peut pas exprimer d'opinion sur cette question spécifique pour les raisons suivantes :

  • Les observations de l’IFRS IC constituent un point de vue possible sur la manière d'analyser le taux d'intérêt qui s'applique aux tranches TLTRO III. Pour parvenir à une conclusion à cet égard, il faut faire preuve de jugement (voir ci-dessous pour un autre point de vue possible).
  • Le TAD traite d'autres questions qui nécessitent également le recours au jugement. L’IFRS IC a uniquement décrit l'analyse qu'une entité doit effectuer par rapport à ces questions ; elle n’exprime aucune opinion sur la conclusion à laquelle une entité devrait parvenir.
  • Le TAD ne contient pas, en soi, d'éléments de preuve susceptibles d'étayer les observations de l’IFRS IC.

[1]  Le paragraphe B5.4.5 de la norme IFRS 9 stipule que « ... la réestimation périodique des flux de trésorerie destinée à refléter les fluctuations des taux d’intérêt du marché modifie le taux d’intérêt effectif... » d'un instrument financier évalué ultérieurement au coût amorti.

Un point de vue alternatif de la question

Comme mentionné ci-dessus, l’ANC considère que l'observation de l’IFRS IC selon laquelle la réduction de 50 points de base est un élément fixe, à savoir un écart fixe et non un mouvement des taux d'intérêt du marché, n'est qu'un point de vue possible pour analyser le taux d'intérêt qui s'applique aux tranches TLTRO III.

L’ANC note également que le TAD n'inclut aucune analyse technique qui soutiendrait la position de l’IFRS IC. Ceci étant dit, sur la base des débats publics qui ont eu lieu lors de la réunion de l’IFRS IC de juin 2021, l’ANC comprend que l’IFRS IC est parvenu provisoirement à cette conclusion en considérant que :

  • L'élément « 50 points de base » est « fixe » (locked in ) et n'est donc pas sujet à des variations. A contrario, les taux des opérations principales de refinancement (MRO) et les taux de facilité de dépôt (Deposit Facility Rate ) de la BCE sont soumis à des variations et sont, selon l’IFRS IC les taux du marché ; et
  • Le fait qu'une composante du taux d'intérêt puisse être modifié n'entraîne pas automatiquement que le taux soit un taux flottant.

L’ANC estime que ces arguments pourraient être justifiés dans de nombreuses circonstances. Cependant, ils ignorent les faits et circonstances très spécifiques qui s'appliquent aux transactions TLTRO III. L’ANC estime qu'un point de vue alternatif existe et qu'une analyse technique le soutient.

L'analyse ci-dessous se concentre uniquement sur les modifications que la BCE a apportées en janvier 2021 au taux d'emprunt des opérations TLTRO III. L’ANC a conscience que la BCE a apporté d'autres modifications au taux d'emprunt avant cette date. Cependant, le montant de l'encours du programme TLTRO III a effectivement pris de l'ampleur en juin 2020, passant de 0,21 à 1,6 mille milliards d'euros. Le seul changement que la BCE a apporté au taux d'emprunt depuis juin 2020 a eu lieu en janvier 2021.

L’ANC distingue le cas des entités qui ont appliqué leur jugement et ont conclu que (i) les tranches du TLTRO III incluent une subvention publique dans le champ d'application de la norme IAS 20 Comptabilisation des subventions publiques et informations à fournir sur l'aide publique  et que (ii) la norme IFRS 9 s'applique aux tranches du TLTRO III dans leur intégralité, dit autrement que les tranches n'incluent aucune subvention publique.

a) Entités ayant conclu que les tranches du TLTRO III contenaient une subvention publique dans le champ d'application de la norme IAS 20

Ces entités ont généralement jugé que le taux MRO n'était pas le taux d'intérêt du marché. Cela s'explique par le fait qu'il y a eu peu de transactions auxquelles ce taux d'intérêt s'est appliqué entre juin 2021 et juin 2022.

Les statistiques disponibles sur le site internet de la BCE et figurant à l'annexe 1 de la lettre de commentaires de l’ANC fournissent la preuve que le taux MRO a été appliqué à un nombre relativement faible de transactions (0,2 milliard d'euros).

Cela contraste avec le nombre de transactions qui ont eu lieu dans le cadre du programme TLTRO III et dont l'encours est de 2 200 milliards d'euros. Un taux d'intérêt maximal [MRO-50 points de base] s'applique à ces transactions depuis juin 2020 et cet intérêt maximal s'applique si les banques n'atteignent pas les seuils de performance prédéfinis en matière de prêts.

En conséquence, ces entités ont conclu que le taux auquel les banques pouvaient emprunter à la BCE dans le cadre du programme TLTRO III sans atteindre la performance de prêt prédéfinie était le taux d'intérêt du marché.

Ces entités ont également pris en compte les aspects suivants lors de leur évaluation :

- La BCE est le "teneur du marché" (market maker ). Par conséquent, il serait contradictoire de conclure que la modification d'un taux d'intérêt introduite par un teneur de marché n'est pas une modification du taux du marché.

- Le taux des opérations principales de refinancement est l'un des trois taux directeurs de la BCE. En tant que tel, le taux MRO relève d'une décision monétaire du Conseil des gouverneurs de la BCE. La réinitialisation du taux MRO est ponctuelle, la dernière réinitialisation à 0 % ayant eu lieu le 18 septembre 2019. En l'absence de transactions significatives au taux MRO, il est équivalent, du point de vue de l'emprunteur, d'obtenir de nouvelles opérations de refinancement de la BCE au [MRO-50 points de base] ou à un nouveau taux MRO ramené à -0,50 %.

- La BCE est en mesure de réinitialiser unilatéralement le taux à tout moment. Le fait que la décision initiale de la BCE, publiée le 22 juillet 2019, ait ensuite été remplacée par une décision le 30 avril 2020, elle-même remplacée par une décision le 29 janvier 2021, prouve la capacité de la BCE à tenir le marché. En outre, les banques peuvent volontairement procéder à un remboursement anticipé (partiel ou total à partir de septembre 2021, voir la question 32 sur le site de la BCE) sans pénalité. Cela corrobore le point de vue selon lequel la réduction du taux fixe de 50 points de base peut être considérée comme reflétant les mouvements des taux d'intérêt du marché.

- [MRO – 50 points de base], qui correspond actuellement à [-50 points de base] est cohérent avec les taux observés sur le marché interbancaire - voir Ester et Euribor 1 an en annexe 2 de la lettre de commentaires.

À la lumière des arguments exposés ci-dessus, l’ANC considère qu’afin de déterminer si la réduction de 50 points de base constitue un mouvement du taux d'intérêt du marché, il est nécessaire de faire preuve de jugement en fonction des faits et des circonstances spécifiques. Cela est similaire à la disposition requise pour déterminer si un taux d'intérêt est un taux inférieur au marché lors de la comptabilisation initiale.

L’ANC note également à cet égard qu'il serait contradictoire de permettre à une entité d'appliquer son jugement pour évaluer si un taux est un taux de marché lors de la comptabilisation initiale d'une tranche TLTRO Ill, et parallèlement, de ne pas permettre à cette entité d'appliquer son jugement pour déterminer si la baisse de ce taux correspond à un changement qui reflète un mouvement du taux de marché.

b) Entités ayant conclu que la norme IFRS 9 s'applique aux tranches TLTRO III dans leur intégralité

Ces entités ont généralement considéré que la BCE avait défini autant de taux de marché qu'il existe de permutations de différents objectifs de prêt.

L'annexe 3A de la lettre de commentaires de l’ANC présente le taux du marché qui s'appliquait aux transactions TLTRO III avant la modification apportée par la BCE en janvier 2021. L'annexe 3B présente le taux du marché après cette date. Ce changement a entraîné la BCE à définir un nouvel objectif de prêt (ASRP).

Si les banques atteignaient cet objectif de prêt supplémentaire, ainsi que les trois objectifs de prêt préexistants, le taux d'intérêt appliqué à leurs opérations de refinancement TLTRO III passerait du DFR à [DFR – 50 points de base] avec un plancher à -1 %. Par conséquent, ces entités ont estimé que la BCE avait défini un nouveau taux d'intérêt lié au nouvel objectif de prêt ASRP.

Pour des raisons similaires à celles décrites ci-dessus, à savoir la BCE est (i) le « teneur du marché » et (ii) capable de réinitialiser unilatéralement le taux à tout moment, ces entités ont considéré que le changement introduit en janvier 2021 devait les amener à considérer que le [DFR - 50 points de base ] était le nouveau taux du marché pour les banques qui atteignaient le nouvel objectif de prêt (avant cette date, les banques pouvaient emprunter à la BCE au taux DFR si elles atteignaient les trois objectifs de prêt).

Les mêmes raisonnements s'appliqueraient aux modifications apportées par la BCE à toute permutation différente des trois premiers objectifs de prêt.

Là encore, l’ANC estime que pour déterminer si la réduction de 50 points de base constitue une variation du taux d'intérêt du marché, il faut faire preuve de jugement en fonction des faits et des circonstances spécifiques.

Proposition pour la suite

L’ANC estime que les faits et circonstances spécifiques relatifs aux transactions TLTRO III exigent qu'une entité applique son jugement lorsqu'elle évalue si la réduction de 50 points de base correspond à un élément fixe ou variable. L'observation de l’IFRS IC, telle qu'elle est actuellement rédigée, n'est qu'un point de vue possible.

Interaction entre la norme IAS 20 et la norme IFRS 9

La norme IAS 20 et la norme IFRS 9 sont deux normes IFRS qui ont été élaborées à des moments très différents. En effet, la norme IAS 20 a été publiée à l'origine en avril 1983, tandis que la version complète de la norme IFRS 9 a été publiée en juillet 2014. L'application conjointe de ces normes IFRS donne lieu à des difficultés pratiques et semble montrer que leur interaction n'a jamais fait l'objet d'une réflexion approfondie.

L’ANC note que leur interaction n'est pas totalement claire, notamment après la comptabilisation initiale par une entité d’un emprunt public à un taux inférieur à celui du marché en application du paragraphe 10A de la norme IAS 20. L’ANC comprend que le TAD ne comporte pas d'analyse sur cette question et, si tel est bien le cas, elle approuve l'approche de l’IFRS IC.

L’ANC recommande que l’IFRS IC ne modifie pas le champ d'application de sa décision finale pour examiner certains aspects de l'interaction. Elle estime que toute analyse à cet égard irait au-delà de la question qui lui a été posée et justifierait (i) une analyse spécifique de l’IFRS IC et (ii) une consultation publique appropriée pour commentaires.

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Pour télécharger la lettre de commentaires de l'ANC  (en anglais)

Pour se connecter au site internet  de l'ANC 

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